REINVENTONS LE MONDE ?

« C’est par le changement positif des individus que le monde changera positivement ».
Pierre Rabhi

Cet article était presque terminé lorsque le drame a eu lieu dans les locaux de Charlie Hebdo. Du coup je l’ai recommencé. Le titre prévu au tout départ (il y a 1 mois) était « ré-enchantons le monde ». Au vu des récentes tragédies, j’ai réalisé toute ma naïveté « ré-enchanteresse ». Non, non ! Le monde doit changer, il doit être « réinventé ». Alors n’attendons pas que les autres fassent, agissons !


UN MONDE OU L’ON REGLE SES COMPTES AVEC LES ARMES DE LA LACHETE 

L’attentat à Charlie Hebdo fait l’éloge de la lâcheté. Quand on a de vrais idéaux, on est capable de les défendre avec des arguments solides. Faire couler le sang de ceux qui n’ont pas d’armes est un aveu d’inconsistance haineuse, c’est la panne sèche dans l’argumentation, c’est une démonstration par le néant.

 Et nous dans tout ça ? C’est quoi notre côté obscur ?

Vous me direz, que vous n’allez pas jusqu’à tuer ceux qui ne sont pas d’accord avec vous. Evidemment. Pourtant, il y a des paroles qui tuent, des gestes qui brisent, des comportements qui anéantissent. La critique, le jugement, le dédain, la médisance, l’indifférence, l’individualisme,… sont aussi les armes de la lâcheté, ce sont même des armes de destruction massive. Ca vous parle autant qu’à moi ? Alors on continue…


MOI, MOI ET ENCORE MOI

« J’ai bien d’autres soucis en ce moment pour ne pas aller m’occuper en plus de ceux des autres ». Nous avons tous entendu cette phrase un jour, non ? Peut-être l’avons-nous même prononcée. Ce qui est sûr, c’est que celui qui parle ainsi n’est pas prêt de se délester de ses soucis ! Par cette phrase il vient de s’en rajouter un : l’individualisme et tout son cortège de mécanismes néfastes et malsains.

Cet individualisme nous enferme dans un comportement d’attente. On attend toujours des jours meilleurs qui nous feront nous sentir mieux, plus heureux. Et on attend toute une vie comme ça…
Se développe ainsi ce que j’appelle « l’obsession du résultat » qui se manifeste par la recherche de la réussite sociale, par la soif de victoire, par le besoin de reconnaissance, par le culte de l’apparence… Et pourtant, plus on cherche le succès et moins on le trouve.

J’ai assisté récemment à une réunion d’entrepreneurs et je me suis aperçue que les plus inquiets étaient ceux qui avaient pour objectif le chiffre d’affaires. Ils étaient tellement focalisés sur le résultat, que lorsqu’ils prenaient la parole ce n’était que pour parler de leur problématique personnelle et n’étaient guère intéressés par le témoignage des autres personnes présentes. A l’inverse, ceux qui voyaient le chiffre d’affaires non pas comme une finalité mais comme la simple conséquence de leur travail, dégageaient plus de sérénité et d’ouverture aux autres.


UNE FAUSSE IDEE DU BONHEUR

Est-ce que le bonheur est mesurable ? En tout cas, nombreux sont ceux qui l’évaluent en se comparant aux autres.

« L’homme peut pleurer avec sincérité devant le malheur d’autrui
et simultanément jalouser celui qui réussit mieux que lui »
.
Daniel Cohen

Bruno Rey (économiste) propose une classification qui permet d’identifier les mécanismes de comparaison aux autres. Il les décompose entre « biens extrinsèques » et « biens intrinsèques ».
Les premiers sont en lien avec l’avoir, les signes extérieurs de richesse et/ou de réussite sociale,… Ils exacerbent les rivalités sociales.
Les seconds sont en lien avec l’affection portée aux autres, l’amour, la quête d’un but dans la vie,… Ils conduisent vers un mieux-être voire le bien-être, paisiblement.

Les biens extrinsèques sont quantifiables. Croire au bonheur par l’accumulation est un piège aliénant, c’est s’enfermer dans la course frénétique du « toujours plus » car ce que l’on possède ne sera jamais suffisant, plus on boit d’eau salée et plus on a soif.

Fonctionner ainsi c’est agir comme si nous étions éternels. On devient des experts comptables de nos vies et on évalue tout : les revenus, le patrimoine, la taille de la maison, la marque de la voiture, et on va même jusqu’à calculer son niveau d’intelligence (QI) !

A l’échelle mondiale, cet emballement vers l’avoir rend arrogant au point que l’on finit par considérer que la terre nous appartient alors que, ne l’oublions pas, c’est nous qui appartenons à la terre !

En revanche, les biens intrinsèques ne se mesurent pas, ne se comptent pas et pourtant leurs bénéfices sont inestimables. Ainsi, ceux qui privilégient l’attention aux autres, l’amour, la quête de leur essentiel, ont conscience que la vie est courte et cherchent à vivre pleinement chaque instant. Ils ne perdent pas de temps à se comparer.


LES PETITS RUISSEAUX…

« Il ne faut pas minimiser l’importance et la puissance des petites résolutions »
Pierre Rabhi

Ne cherchons pas midi à quatorze heures pour voir ce que nous pourrions faire. Soyons ouverts, souriants, bienveillants. Au lieu de juger, médire, utilisons ce temps et cette énergie à donner sans rien attendre en retour. Apprécions tout ce qui vient à nous. Si quelqu’un souffre n’attendons pas d’avoir du temps pour le soutenir, c’est tout de suite qu’il a besoin de nous. Oublions nos soucis, ce n’est pas en les ressassant qu’ils se règleront.

Oublions notre petite personne pour laisser s’exprimer la belle personne…


LES ENFANTS

Nous sommes responsables des valeurs que nous transmettons à nos enfants et de l’exemple que nous leur donnons. Si nous sommes habités de colère alors eux aussi. Si nous sommes adeptes du “toujours plus” alors eux aussi.

Juste avant Noël, une vendeuse a demandé à ma fille de 3 ans si elle avait fait sa liste au Père Noël. Ma fille ne comprenant pas la question m’a regardée alors j’ai répondu : « Non, mes enfants ne font pas de liste où ils inscrivent tout ce qu’ils désirent. Le Père Noël apporte ce qu’il peut  ».

Aujourd’hui, nos enfants sont formatés pour devenir conformes, pour entrer dans les cases. Ils doivent bien travailler à l’école et si possible sans broncher, il faut qu’ils fassent des études pour « avoir une situation » et « bien gagner leur vie ». Au cas où ça ne suffirait pas, on vient enfoncer le clou en leur inculquant l’esprit de compétition. On constate aujourd’hui les limites de ce modèle puisque les diplômes ne sont plus une garantie d’emploi.

Et ça donne quoi au final ? Des gens comme moi, qui se sont ennuyés ferme à l’école. Il a fallu que j’attende 36 ans pour comprendre le sens que je voulais donner à ma vie et 42 ans pour prendre mon courage à deux mains afin de sortir du moule dans lequel j’étais enfermée.

Et si nous apprenions à nos enfants à être chacun à sa juste place dans le monde, à se réaliser, à être connectés aux autres dans un esprit de coopération (et non de compétition !), à être reliés à la nature, à s’ouvrir à la culture, à savoir apprécier ce qu’ils ont et qui ils sont ?
Si nous leur apprenions à ETRE tout simplement ?

Si nous sommes respectueux des autres et de la terre (de la vie donc !) alors eux aussi.
Si nous sommes sincères et vrais, eux aussi.
Si nous sommes heureux, eux aussi.
Si nous aimons envers et contre tout, eux aussi.


ET NOS AINES ?

Avez-vous déjà remarqué comment certains s’adressent aux personnes âgées ? « Eh ben alors Mamie, on mange pas sa sousoupe ?». Non, elle ne la mange pas, elle a la gerbe !

La société les considère comme ayant fait leur temps, comme des gens qui coûtent cher en soins et qui ne contribuent plus à l’économie parce qu’ils ne produisent plus et consomment peu. Ils sont seuls et isolés.

Cette posture arrogante fait oublier qu’il y a de fortes probabilités pour que nous soyons vieux un jour aussi…

Quand on prend le temps de comprendre ce qu’ils ont vécu et leur regard sur le monde, on se rend vite compte de la richesse qu’ils détiennent et qu’ils sont prêts à nous transmettre si nous leur en donnons la possibilité. Je salue les associations qui créent des échanges et des liens entre les personnes âgées et les jeunes.


RESPECTONS NOTRE TERRE NOURRICIERE

A l’entrée de l’école maternelle de ma commune, il y a la liste des goûters collectifs prévus pour le mois à venir. Un matin, une petite fille demande à sa maman quel est le goûter prévu ce jour là. La maman lui répond : « des fruits frais » et la petite fille demande : « c’est quoi ? ». Sa maman lui dit : « c’est normal que tu ne saches pas, on en mange jamais t’aimes pas ça ! ».

Utilisons le grand pouvoir que nous détenons, celui de consommer intelligent. Nul n’ignore les signaux d’alertes sur les dangers qu’encourt notre planète. Si nous ne le faisons pas pour nous, faisons-le pour nos enfants. Arrêtons de nous laisser berner pas les messages de l’industrie agro-alimentaire qui mise sur le consentement aveugle des consommateurs. Apprenons à lire les étiquettes et consommons des produits sains pour notre corps et respectueux pour notre environnement. C’est la moindre des choses ! Ne pas le faire c’est abandonner son rôle de citoyen pour le réduire à celui de « vulgaire consommateur ».

Les ressources de la terre ne sont pas inépuisables, à l’heure où tout s’achète, ayons l’humilité de rompre avec ce système basé sur l’avidité et apprenons la modération comme un nouvel art de vivre.

« Seulement après que le dernier arbre aura été coupé,
que la dernière rivière aura été empoisonnée,
que le dernier poisson aura été capturé,
alors seulement vous découvrirez que l’argent ne se mange pas ».
Prophétie traditionnelle

Alors remettons l’artisanat et le petit commerce à l’honneur pour qu’ils redeviennent les acteurs de notre économie.


DANS LES ENTREPRISES

Autrefois, on enseignait aux managers à diversifier et maîtriser les différentes activités de l’entreprise. Aujourd’hui l’heure est à la spécialisation et les autres tâches sont sous-traitées et bien souvent dans des pays lointains. On a ainsi remplacé l’efficacité par la rentabilité du fait de la perte de synergies et d’une forte pression tarifaire.
En ne recherchant plus l’efficacité technique mais le profit, les rapport humains aux seins des entreprises ont considérablement changé. La coopération a fait place à la rivalité. C’est ainsi que le patron de General Electric a annoncé que chaque année il allait licencier 10% du personnel “pour maintenir intact leur faim de réussir”.
C’est l’ère du “management par le stress” générateur de souffrance et de malêtre.

C’est une des raisons qui m’ont fait quitter le monde de l’entreprise, pour vivre et ne plus subir. j’ai renoncé au confort financier pour le confort psycho-émotionnel. J’ai réduit la voilure, je m’essaie à la modération, je ne sais pas de quoi sera fait demain mais je me sens bien et j’ai confiance…


IL Y A UNE VIE AVANT LA MORT !

N’ATTENDONS PAS…

… QUE LES AUTRES AGISSENT

Faisons ce en quoi nous croyons sans nous préoccuper de ce que les autres font ou pensent. « Se mouiller » ça fait peur avant d’avoir commencé et pourtant au final ça fait tellement de bien, on se sent utile, on se sent confiant, on se sent vivant.

… DES CONDITIONS PLUS FAVORABLES

« Si seulement nous avions le courage des oiseaux
Qui chantent dans le vent glacé ! »
Dominique A

 Le moment opportun n’existe pas, la lumière au bout du tunnel non plus. Ce n’est jamais la facilité qui nous fait avancer, en revanche les difficultés contribuent à une meilleure connaissance de soi et des autres.

Attendre c’est nourrir le doute et la peur. Attendre c’est oublier notre condition de mortels ! Donc le meilleur moment pour agir c’est là, tout de suite, sans attendre, sans remettre au lendemain.

Bien sûr ça demande du courage, mais nous en sommes tous pourvus.


NOS VALEURS N’ONT PAS DE PRIX

Un monde qui prône la surenchère de l’argent, la consommation outrancière, la compétition, l’expansion ne peut qu’induire vanité, avidité, jalousie et égoïsme. Voilà un terreau fertile pour les manipulateurs et les fanatiques.

Et nos valeurs dans tout ça ? Elles sont un bien inestimable, hors de prix qui ne s’achète pas. Elles ne sont donc pas négociables. Et pourtant, combien de fois mettons-nous un mouchoir dessus pour faire que ce l’on attend de nous ? Et d’ailleurs, quelles sont vos valeurs ?

Au vu des événements, il est grand temps que nos valeurs sortent de nos tripes, elles n’y ont que trop résidé. Aussi, je vous souhaite de nourrir des valeurs telles que la modération, l’engagement, la sollicitude, le partage, l’ouverture. Affirmer nos valeurs c’est ce que nous, peuple français, avons su faire le 11 janvier 2015. Désormais, nous devons poursuivre cet élan, chacun de nous individuellement,  sans retenue et en toute occasion. Ne laissons pas retomber le soufflé. Plus nous les exprimerons et les porterons haut et fort et plus nous aurons la chance de voir notre monde changer.


UNE ARME DE CONSTRUCTION MASSIVE

L’amour est une énergie renouvelable à l’infini, une terre fertile, une lumière qui envahit les cœurs, une arme absolue contre toute forme de soumission ou de servitude. L’amour est le plus court et le plus sûr chemin vers la liberté. C’est notre plus grande force.

Le mouvement du peuple français a montré sa capacité à aimer et à se rassembler massivement pour le dire. Ce sursaut est la preuve que nous sommes tous dotés de cette aptitude à aimer de manière inconditionnelle.

Alors aimons.
Aimons sans relâche, sans condition, sans jugement.
Aimons celui qui fait la gueule, celui qui est différent, le râleur, l’emmerdeur, celui qui ne pense pas comme nous.
Aimons celui qui refuse d’aimer.
Aimons celui qui ne sait pas aimer.

AIMONS AU NOM DE CEUX QUI NE SONT PLUS LA POUR LE FAIRE…

 

Sources d’inspiration :
Pierre Rabhi – Vers la sobriété heureuse
Daniel Cohen – Homo economicus
Dominique A – Chanson “le courage des oiseaux”