ETES-VOUS CONFORME ?

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Article inspiré par les 3 Albert(s) ! (Dupontel, Einstein et Jacquard)



Un beau matin je me suis posée cette question : «Patricia, es-tu quelqu’un de conforme ?» La réponse ne s’est pas faite attendre. A 8 heures et demi du mat, je vois une dame promener son chien dans la rue, elle est en robe de chambre et pyjama. Et je me suis dit : «Rhooo ! Quand-même, c’est une heure de pointe, elle pourrait s’habiller, m’enfin !»

Et bim ! J’étais entrée dans la spirale du jugement, des préjugés, de la honte. Bref, j’ai pris conscience de ma conformité. Ca m’a fait réfléchir de façon plus profonde. Combien d’ajustements sociaux suis-je prête à effectuer pour être dans la norme ?


QU’EST-CE QU’ETRE CONFORME ?

La définition du dictionnaire : Qui correspond exactement à la norme, à la règle générale, à l’idéal social dominant : Avoir des opinions conformes.

POURQUOI ETRE CONFORME ?

POUR NE PAS ETRE DIFFERENT

On cherche à se fondre dans la masse, à ne pas se faire remarquer.
Quand j’étais collégienne, un jour qu’il neigeait fort, ma mère me conseille de mettre des après-skis. J’avais un bon bout de chemin à faire à pieds alors autant ne pas avoir les pieds trempés et congelés toute la journée. Mais pour l’ado que j’étais, « hors de question de me ridiculiser avec des moon-boots. Non mais la honte quoi ! ». Résultat, pour ne pas sortir du cadre, j’étais prête à me faire amputer des 2 pieds à cause du froid plutôt que de subir les regards sur mes boots.
En revanche, j’étais admirative des copines qui s’affranchissaient du regard des autres pour avoir les pieds bien au sec. Allez comprendre !
Grande victoire aujourd’hui, j’ose les après-skis en hiver et même je m’en fous. Waouh !

Bon nombre d’adultes aujourd’hui, restent encore soumis aux diktats des stéréotypes. Ils continuent à avancer de manière conforme. Les beaux enfants, la belle voiture, la belle maison, les belles vacances, un job lucratif,… Tout ce décor rassure, il donne l’illusion de la réussite.
Où sont les valeurs profondes dans tout ce fatras ? Les quoi !? Ah oui les valeurs ! Envolées, étouffées, oubliées, piétinées ou rejetées comme mes après-skis.

PAR MANQUE D’AUDACE

Agir selon ses valeurs, se respecter demande du courage. C’est ne pas attendre que les choses se fassent ou se décantent toutes seules, c’est ne pas subir, c’est dépasser ses peurs pour oser.

Sortir de sa zone de confort ça vous construit un homme ou… une femme ! Ca je l’ai compris tôt grâce à mes parents. Mon père était marchand forain. L’année de mes 18 ans, la braderie de Chambéry tombait en même temps que celle de Grenoble. J’avais l’habitude de travailler l’été avec lui, alors  à peine mon permis en poche, il, m’a confié les clés de la voiture de maman chargée à bloc de marchandises pour animer le stand de la braderie de Chambéry tandis que mes parents étaient à Grenoble. C’était une grosse responsabilité et cette  journée fut une belle réussite.

Que ce serait-il passé s’ils avaient considérés  que je n’avais pas mon permis depuis suffisamment longtemps, que j’étais trop jeune, pas assez expérimentée pour faire face aux difficultés, etc, etc. Ils m’auraient enfermée dans la case « n’est pas capable » et j’y serais docilement entrée. Tandis qu’après cette magnifique preuve de confiance, j’ai eu l’impression que tout était possible dans la vie !

C’est ce qui m’a permis quelques années plus tard de croire suffisamment en moi pour écouter mon intuition. Lors d’un stage en entreprise où je m’ennuyais ferme, je harcelais mon employeur pour qu’il me confie un projet export. Alors un jour il finit par me proposer une belle mission en Espagne. Et quand il me demande si je maîtrise l’espagnol je réponds sans réfléchir « oui, oui ! » trop heureuse d’avoir un projet passionnant.  Or, je ne parlais pas l’espagnol.  Pendant 4 mois j’ai bossé comme une dingue à grand renfort de livres et de cassettes audio « me gusta hablar español ». Olé ! Après ce laps de temps,  je suis allée faire des présentations auprès des centrales nucléaires espagnoles et j’ai été intervenante (tout en espagnol !) dans une conférence de 200 personnes. Que ce serait-il passé si j’avais répondu « non » ?

Et pourquoi malgré ces expériences fondatrices, je constate que je manque encore cruellement d’audace ? Oui, si je n’y prends pas garde je rentre sans discernement et parfois même avec complaisance dans les habits de la conformité. Je me vautre dans le lit de la norme et du modèle social dominant. Pourquoi ? Parce que  le conformisme c’est la facilité. Pas de question à se poser, il suffit de suivre le mouvement. Pas la peine de se fatiguer à développer son sens critique et faire l’effort de comprendre.

« Pour devenir idiot, il suffit d’être passif, […] d’acheter des bonbons et de se mettre devant la télévision […]. La vraie forme d’intelligence, c’est de comprendre qu’on n’a pas encore compris, et de faire l’effort de comprendre quand même ».
Albert Jacquard

NE PAS ETRE CONFORME
EST-CE ETRE ANTICONFORMISTE ?
MARGINAL ? ORIGINAL ?

Ne pas vouloir être conforme n’est pas une valeur en soi. Passer de l’énergie à vouloir prouver au monde ou nous prouver à nous-même que nous ne sommes pas conformes, n’a pas de sens. C’est se détourner d’une démarche authentique. C’est faire la part belle à l’illusion.


NOS VALEURS SONT NEGLIGEES

UNE PERTE DE LIBERTE

Le conformisme nous laisse croire que nous surfons sur la vague de la facilité : « Bah ! Moi je suis l’mouvement, je m’prends pas la tête ». Il n’en est rien. Suivre le courant sans discernement c’est devenir des ovins à défaut d’être des ovnis.

On nous refile du prêt à bouffer en nous faisant croire que « c’est plein de bonnes choses ». J’ai même vu qu’ils avaient inventé les biscottes déjà tartinées prêtes à être grillées et  gobées. C’est pratique, on peut prendre son petit déjeuner debout car même pas le temps de s’asseoir que tout est avalé. Hop, hop, hop !

L’industrie agro-alimentaire nous dit aussi que ses biscuits sont bons (pour nos enfants) car il y a des céréales dedans. Encore heureux ! La farine c’est quoi si c’est pas une céréale ? A ce que je sache, ils n’ont pas encore trouvé le moyen de la remplacer par du ciment mais c’est pour bientôt…

On nous refile du prêt à penser en nous faisant croire que c’est pour notre bien. A tel point que ne pas être conforme ne marque pas toujours une divergence de point de vue et de valeurs mais devient, dans certains cas, un acte de rébellion.

« Tout est fait pour que l’individu ne se rencontre pas, sinon c’est terrible, il développe un sens critique, un jugement et alors là il est ingouvernable. Que ce soit les religions, les commerçants, les politiques, ils n’ont aucun intérêt à ce que l’individu se trouve. »
Albert Dupontel

Se contorsionner pour rentrer dans le moule c’est donc perdre sa liberté d’agir et de penser. C’est ainsi mettre sa créativité en sourdine. Or, notre créativité c’est ce qui nous permet de faire face aux épreuves, c’est vital !

« La personnalité créatrice doit penser et juger par elle-même car le progrès moral de la société dépend exclusivement de son indépendance. »
Albert Einstein

BESOIN DE RECONNAISSANCE A TOUT PRIX

Inciter à la conformité voire l’exiger, c’est une dictature. Celle de l’égo, qui est la partie de nous manipulable à souhait. Notre égo c’est le fonds de commerce de la société pour nous faire entrer dans les cases qu’elle construit sans que nous nous apercevions de rien.

Cet égo va prendre différentes formes dont celle du besoin de paraître ou d’être reconnu. On se conforme aux diktats de la réussite qui se voit.

C’est comme ça que les codes bougent l’air de rien. Pour illustrer mon propos je vais vous donner un exemple que je connais bien, le karaté. Cet art martial venu d’Asie est fondé sur des valeurs telles que le développement de la force mentale. Cette valeur est si forte que les combattants agissent comme s’ils devaient sauver leur peau à chaque combat. C’est l’esprit du samouraï (Bushido). Le but étant de se construire bien au-delà du dojo, dans sa vie de tous les jours. Pour matérialiser la progression dans son apprentissage on a instauré le principe de ceinture avec une couleur par niveau. On dit ainsi que c’est seulement à partir de la ceinture noire que le véritable chemin commence. Cette ceinture noire a, de fait, une symbolique forte qui mêle humilité et détermination. Donc à partir du 1er Dan, le pratiquant devient ceinture noire au même titre que son maître 8ème ou 10ème Dan.

Le karaté s’est exporté dans les années 60 et 70 en occident où il s’est fortement développé. On a donc créé une fédération pour poser des règles puis pour… les modifier. Ainsi on a créé le karaté de compétition. Je vous mets au défi de sauver votre peau en utilisant les techniques qui permettent de marquer des points en compétition ! On n’est donc plus là avec l’idée de sauver sa peau (qui permet de se transcender) mais pour marquer des points.

Ce karaté « occidental » s’est construit sur les sables mouvants de l’égo. Et ce, à un point tel que maintenant on a inventé les ceintures bicolores rouge et blanc et les ceintures rouges pour célébrer les égos à redorer à partir du 6ème Dan, des fois qu’on y gagnerait en crédibilité, hein ? Et puis ensuite, comme il faut que la terre entière soit au courant de leur exploit, les « hommes en rouge » se font photographier dans le journal local. Celui qui a gardé son sens critique va trouver ça pathétique mais celui qui a besoin de se prouver qu’il est quelqu’un va se conformer au nouveau modèle dominant de la réussite de pacotille.

Par ce système de valorisation distinctive on vient aiguiser le besoin de prouver sa réussite, on nourrit l’esprit de compétition au dépend de l’esprit de collaboration.

« Un gagnant, c’est quelqu’un qui fabrique des perdants ».
Albert Jacquard

« On nous met en compétition dès l’école. On formate les gosses pour un système dans l’espoir de les rende productifs. Soit on les transforme en vaches à lait (consommateurs), soit en prédateurs (industriels). Les meilleurs deviennent des prédateurs et la majorité des vaches à lait, c’est à dire des consommateurs. »
Albert Dupontel

Heureusement que bon nombre de Sensei (Maître) de valeur ont gardé une part d’humilité et de lucidité, ils ont décidé de conserver leur ceinture noire usée par le temps et la sueur mais tellement porteuse de message.

« N’essayez pas de devenir un homme qui a du succès. Essayez de devenir un homme qui a de la valeur. »
Albert Einstein

ON SE COMPARE

Eh oui ! Nous avons besoin de nous assurer que nous ne sommes pas plus ou moins conforme que le voisin. Quoi ? Il y a un gars encore plus mouton que moi !

« Pour être un membre irréprochable parmi une communauté de moutons, il faut avant toute chose être soi-même un mouton. »
Albert Einstein

Si nous mettons le doigt dans l’engrenage de la comparaison nous entrons dans un mode de fonctionnement convenu. C’est ainsi que lorsqu’il y a quelques années j’ai voulu créer mon site internet j’ai contacté une agence de com. Ce qu’elle me proposait pour mon activité de médecine chinoise c’était un site à base de chinoiseries. On aurait dit le site d’un restaurant chinois : « c’est di bœuf ! ».

Et puis se comparer c’est faire fonctionner la machine à juger au taquet. « Encore une nouvelle voiture ! Et à côté de ça leurs gosses ont des chaussures pourries. C’est vraiment n’importe quoi ! ».  Sous-entendu : « moi j’ai des valeurs Môssieur, je fais passer mes enfants avant ». « Elle a pas grossi depuis la dernière fois ? Franchement elle se laisse aller ! ». Sous-entendu : « je fais attention à ma ligne, Mouah ! ».

A notre décharge, il est devenu si difficile de sortir du moule, alors tailler des costards à ceux qui sont différents ou qui font autrement ça nous évite de nous remettre en question et de mettre en œuvre nos ressources intérieures pour changer. C’est comme ça que j’en viens à juger la dame qui promène son chien en pyjama au lieu d’admirer sa liberté et de m’en inspirer.

SE CONFORMER C’EST CAPITULER

Laisser de côté son sens critique ou tout simplement son bon sens, c’est une capitulation intellectuelle. Et éduquer nos enfants dans cette pauvreté d’âme c’est les inciter à ne pas développer leur intelligence et devenir des moutons remasterisables à souhait.

Un jour, lors d’une réunion de l’association de parents d’élève de ma commune, nous abordons la question du goûter du matin en maternelle. Le principe étant que chaque enfant apporte un jour défini dans le mois le goûter pour toute la classe. Des parents, dont je faisais partie, ont exprimé leur mécontentement sur le contenu de ce goûter. Ca nous ennuyait que nos enfants ayant pris un petit déjeuner complet à 7h30 se retrouvent à bouloter des Oreo (vous savez ces biscuits avec des céréales !) à 10h30 pour ensuite déjeuner une heure plus tard. Nous avons exprimé notre souhait de supprimer cette collation. Et là, nous nous sommes retrouvés face à une armée de mères en panique.

« Hein ? Quoi ? Mais moi mon gosse il mange rien au petit déjeuner, il va pas rester le ventre vide jusqu’à midi !
– Et pourquoi il mange pas ton gosse ?
– Il veut pas, il refuse de manger.
– Tu sais il ne se laissera pas mourir de faim, quand il verra qu’après plusieurs jours il a la dalle le matin à l’école il mangera son petit déjeuner.
– Oh mais il voudra jamais.
– Euh… Qui est-ce qui décide ?
– On voit que tu l’connais pas, quand il a dit non, c’est non !
– Ah ouais du coup parce que ton gosse veut pas manger au petit déj alors les autres doivent se gaver comme des gorets.
– Ils n’ont qu’à pas prendre de petit déjeuner à la maison ! »

La messe est dite…

UN MONDE DANGEREUX

Comme le disait Albert Jacquard : « On est en train de sélectionner les gens les plus dangereux ». Il explique que nos élites sont constituées de personnes ayant une forte propension à se conformer. Elles sont sélectionnées pour leur capacité à rentrer dans le moule de l’école. Elles apprennent par conformisme et non pas par passion. En sortant de ces écoles elles obtiennent des postes clés, en politique, à la tête des grands groupes,… Or, avec les responsabilités professionnelles qu’elles ont, elles sont soumises en permanence à des aléas, à des situations exceptionnelles. Mais comme elles n’ont pas été incitées à développer leur créativité et qu’elles ont été valorisées sur leur aptitude à se fondre dans le moule, elles vont apporter des réponses conformes à une problématique qui ne l’est pas. Et finalement c’est de gens passionnés et créatifs dont on a besoin à la tête de notre pays ou de nos entreprises.

Le conformisme n’est pas inoffensif. Il est notamment fait de passivité et de lâcheté.

« Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »
Albert Einstein

Cette passivité engendre un effet hautement toxique, celui de la course au moins disant. Dans le moule de la conformité la consommation est reine. La quête du prix le plus bas à tout crin tue les petits producteurs. Nous le savons et pourtant nous sommes encore nombreux à continuer passivement à ne pas regarder ceux qui se cachent derrière les étiquettes.


ALORS QUOI FAIRE ?

Essayons de gagner notre liberté et désobéir à la dictature de l’égo.

Développons notre créativité, elle nous sortira de bien des situations.

Développons un esprit critique à l’égard du prémâché ou du pré-pensé.

Rattachons-nous à nos valeurs et pas à notre succès.

Assumons notre singularité. Osons être qui nous sommes, authentique, quitte à ne pas plaire à tout le monde voire à personne !

Armons-nous de courage pour oser nager à contre-courant.

Ecoutons les vibrations plutôt que les paroles ou les apparats.

Prenons notre pouvoir de citoyens et n’attendons pas que les solutions viennent « d’en haut », des stars du conformisme.

Tournons-nous vers les autres de façon solidaire, entraidons-nous.

Valorisons l’esprit de coopération chez nos enfants.

« Il y a du bonheur à prendre mais il faut se méfier beaucoup, il faut cultiver son Soi. La vraie éducation c’est d’apprendre aux gens à se trouver eux-mêmes. Toutes les tragédies qui existent aujourd’hui commencent à l’école. Les bonnes nouvelles on n’en parle jamais ! Les informations sont une mise en scène du drame permanent. C’est très anxiogène. Le truc qu’on devrait interdire aux enfants c’est les informations. »

Albert Dupontel