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CECI EST MON CORPS…
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Photos : Omar Z. Robles
Avez-vous déjà imaginé ce qui se passerait si votre corps tombait soudainement en panne ? Non ? Alors je vous laisse y réfléchir…
Ce corps, au quotidien on le traite comme un automate. On le sollicite pour accomplir nos activités sans se demander si c’est ok pour lui. Nous avons de grandes exigences le concernant tant sur le plan fonctionnel qu’esthétique et quand on lui porte de l’attention, on ne s’en occupe pas, on s’en préoccupe.
Et pourtant, ce corps a une mission bien précise, une mission de la plus haute importance ! Il permet à notre âme de s’incarner. Rien que ça. C’est l’écrin de notre âme et, à ce titre, il mérite qu’on lui porte une attention particulière.
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MODELE IMPOSE
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La société nous impose une référence : le corps photoshopé ! Il est élancé, grand, mince, tonique, musclé et aux proportions parfaites, même à 60 balais. Mais il est surtout « sans ». Sans vergetures, sans cellulite, sans cicatrice, sans gras autour du bide, sans boutons, sans rides, … sans vie quoi ! Et pourtant, à grands coups de privations, de cosmétiques miraculeux, d’épuisement physique voire de chirurgie, on va tout tenter pour se rapprocher de ce corps qui n’existe que dans les magazines et nos fantasmes.
Ce corps formaté c’est un corps que l’on cherche à vénérer. Mais comme il n’est jamais à la hauteur de nos exigences, on oscille entre rêves et désillusions. Et pendant ce temps…, on ne vit pas.
Pour l’économie de marché, ce corps de pacotille c’est du pain béni ! On ne va tout de même pas créer des publicités juste pour vous dire que la beauté est en chacun de nous. Ah, ben non alors ! Non, non, il vaut mieux nous dicter comment on doit se coiffer, s’habiller, se laver, s’épiler, se maquiller, se parfumer et… se regarder.
Pour moi, tout ça se résume en un mot : maltraitance.
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L’IMPACT DE CE MODELE
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En cherchant à se rapprocher du modèle imposé, on se trouve toujours trop ceci ou pas assez cela mais jamais juste comme il faut. Vient s’ajouter à ça, notre meilleur ennemi : le temps. Eh voui ! Le temps passant, la gravité peaufine son œuvre et nos cellules vieillissent. Alors, le corps se ramollit, les rides arrivent sans y être invitées, les dents ont envie de s’en aller voir ailleurs, les cheveux deviennent mous quand il en reste, … Voyez le tableau. Moi je dis que ceux qui parviennent à porter un regard tolérant sur leur corps malgré tout ça, ont droit à la légion d’honneur. Et quant à ceux qui aiment leur corps, là c’est la canonisation directe !
Alors justement, quel regard portez-vous sur votre corps ? Vous scrutez dans le miroir tous les signes qui vous indiquent que le temps a passé ? Vous faites l’inventaire de ce qui lui manque pour être à la hauteur de vos espérances ? Et après ? Vous vous arrangez pour ne plus le regarder ? Vous tentez les trucs à la gomme vendus par la pub comme miraculeux ? Vous essayez, vaille que vaille, de lutter contre ces « imperfections » ? Vous vous lancez dans des régimes improbables « parce qu’il paraît que ça marche » ? Vous faites du sport à outrance ? Vous abdiquez ? Ou alors vous préparez une corde ?
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JE NE CROIS QUE CE
QUE JE NE VOIS PAS
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Les autres nous voient plus que nous-même. Alors normal que nous attachions de l’importance au regard extérieur.
Mais si on y réfléchit, comment nous, nous regardons les autres ? Est-ce que nous les auscultons à la loupe pour voir la mèche en épi, le bouton sur le menton, la tâche microscopique sur la chemise, des vêtements mal assortis, … ? En ce qui me concerne, je ne verrai même pas une pizza posée sur le pif ! En revanche, je vois très bien tout ce que je trouve joli. Alors je me dis que les autres font pareil avec moi, qu’ils regardent ce qui est joli chez moi. Et ça me va.
Vous rendez-vous compte du temps et de l’énergie perdus à faire la guerre à notre corps. Le naturel avec toutes ses imperfections c’est bien aussi.
Vous l’aurez compris, ce qui me fait vous trouver beau ou belle, ce n’est pas votre plastique mais c’est ce que vous dégagez. Un sourire radieux, des yeux pétillants, un rire à lézarder les murs ça me touche beaucoup. Mais aussi votre appétit de vie, votre curiosité, votre courage. Et si en plus de tout ça, vous respirez la bienveillance et l’authenticité, alors là, je vous épouse direct !
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LA QUETE DE LA PERFORMANCE
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On ne se contente pas d’avoir des exigences quant à l’apparence, en plus on veut que notre corps soit fiable et performant. Chercher à s’améliorer sur le plan sportif de façon respectueuse c’est une chose mais se faire mal pour dépasser ses limites c’en est une autre.
J’ai rencontré un homme, la petite cinquantaine qui était un fou furieux sur son vélo. Il avalait les cols à une allure digne du tour de France, personne dans son club n’arrivait à le suivre. Et un jour, bim ! Il avait tellement puisé dans ses réserves, qu’elles se sont taries. Il n’arrivait même plus à faire le tour du quartier. Depuis, il vit avec l’illusion de pouvoir un jour remonter sur son vélo pour « performer » et ça fait 10 ans qu’il espère…
La quête de la performance ne se limite évidemment pas aux exploits sportifs. Qui n’a jamais tiré sur la corde jusqu’à épuisement dans sa vie de tous les jours ? On se dit que l’on se reposera quand on aura le temps. Mais là aussi, n’attendons pas que notre corps exprime son ras le bol parce que, pour le coup, il ne nous laissera pas le choix.
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FIGURE LIBRE
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La norme c’est ne pas avoir de douleur. Pourtant, lorsque l’on a un mental fort, on est capable de réaliser des exploits et de surmonter les douleurs physiques liées à l’effort. Il prend le contrôle et les messages que nous envoie notre corps sont ignorés. Alors que se passe-t-il à la longue ? Eh bien le corps va crier plus fort !
Ecouter son corps c’est la clé pour pratiquer le sport que vous aimez le plus longtemps possible. Il y a un papy de plus de 75 ans qui passe dans ma rue tous les jours sur son vélo de route. Mon prof de karaté a près de 80 ans et de l’énergie à revendre. Donc c’est possible de faire du sport longtemps.
Alors, plutôt que de répondre à un modèle imposé par la quête de la performance, je vous suggère de respecter vos propres critères. Ceux qui vous indiquent que tout va bien, qu’il n’y a aucune douleur à l’horizon. Sans oublier non plus une donnée fondamentale : le plaisir. C’est le plaisir qui est un gage de régularité et de durabilité et pas le chrono.
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ENCORE UNE HISTOIRE
DE YIN ET DE YANG
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Faire du sport en excès c’est délétère mais ne pas en faire ou pas suffisamment ce n’est pas mieux. On en revient toujours à la pensée chinoise de l’équilibre entre le Yin et le Yang. Exercer une activité physique plusieurs fois par semaine c’est vital. En consultation de médecine chinoise, je constate les effets bénéfiques du sport sur la digestion, le sommeil, l’humeur, la vitalité, … Certaines personnes, arrivent d’ailleurs à mieux supporter de lourds traitements comme la chimio grâce à l’activité physique. Vous rendez-vous compte de l’impact sur leur moral ? Elles se sentent ultra vivantes ! Certaines même, ne se sont jamais senties aussi vivantes, aussi vibrantes.
Mais c’est vrai que c’est difficile de commencer quand on n’a jamais été un grand sportif. Je sais de quoi je parle ! La première fois que j’ai voulu me mettre à la course à pieds, je suis allée jusqu’au bout de ma rue, c’est-à-dire 150 mètres et je me suis arrêtée. J’avais l’impression que l’on m’avait broyé les poumons et attaché une machine à laver à chaque pied. Conclusion, je me suis dit que ce n’était pas pour moi. Mais du coup quand je partais en rando, je soufflais comme Dark Vador au moment de son agonie.
Et puis il y a un peu plus de deux ans, une amie vient prendre un café à la maison et me dit qu’elle s’est mise à la course grâce à un bouquin. J’ai acheté ce livre. D’emblée il m’a plu parce qu’il y avait des illustrations drôles et pleines d’autodérision. Et puis, c’était très progressif. D’ailleurs première sortie, j’ai couru 4 fois 1 minute alternée par une minute de marche et j’ai eu un point de côté ! Mais bonne élève, j’ai suivi ce programme plutôt ludique et au bout de 28 jours j’ai été capable de courir 1 heure sans m’arrêter. L’exploit du siècle. Que dis-je ? Du millénaire !
Depuis je cours régulièrement. Non seulement je ne voudrais pas perdre les bénéfices de mes efforts mais surtout je me sens tellement bien après.
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HONORER ET PAS VENERER
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Vénérer c’est pour séduire. Honorer c’est s’aimer.
Il m’est arrivé que l’on me dise : « Ouais mais bon, si on vous écoute, on ne fait rien pour s’embellir et on se promène en survet et cheveux gras toute la journée. On est naturel, quoi ! ». Ne confondons pas s’accepter et se laisser aller tout de même, s’accepter ce n’est pas baisser les bras !
Il y a quelques jours, je suis tombée sur un reportage sur Arte qui mettait en valeur la beauté des femmes. Et j’ai été scotchée par l’éclat d’une femme victime d’un incendie, elle était entièrement brûlée. Certains la considèrent sûrement comme défigurée mais beaucoup d’autres voient en elle une beauté éclatante. Elle se pomponne, prend soin de son corps, l’honore. Je l’ai trouvée si belle !
Choisir ses vêtements, se coiffer, se maquiller, porter des bijoux, … sont des gestes qui honorent ce corps à qui l’on doit tant. Ceci est valable bien sûr si on ne le fait pas pour paraître mais bien pour soi. Honorer son corps c’est lui témoigner de la gratitude pour tout ce qu’il nous permet d’accomplir. Merci à ce corps qui tient le coup quand on est éreinté, qui encaisse les traitements lourds, qui réalise des exploits, …
Alors soyons bienveillant avec notre corps au lieu de le critiquer. Quand je vais faire un soin, un massage je lui parle et je lui dis : « allez , ce moment est pour toi, merci pour tout ». C’est la même chose avec l’alimentation. J’ai envie de lui donner une nourriture saine, de qualité, sans traitements phytosanitaires.
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QUAND LA DOULEUR S’INSTALLE
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Lorsque la souffrance est forte, l’injonction de faire la paix avec notre corps peut être vécue comme une insulte à cette douleur. C’est parfois tellement insupportable que l’on en vient à le haïr, parce que bordel, c’est à cause de lui qu’on a mal ! Et pourtant … Plus on éprouve du rejet et plus la douleur est insurmontable. Je vais vous dire quelque chose qui risque de faire hurler certains mais c’est le moment de manifester de la gratitude pour ce corps qui doit supporter ce calvaire. Pour l’avoir vécu, cette posture change tout. Je ne saurais dire si la douleur a diminué ou bien si c’est moi qui l’ai mieux supportée. En tout cas, quel soulagement ! J’ai réalisé qu’une conscience respectueuse de mon corps permettait à mon esprit de lui venir en aide. Ce qui n’était que de la théorie jusque-là pour moi est devenu concret. J’ai enfin compris ce fameux lien entre le corps et l’esprit. Ouf !
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A VOUS DE JOUER
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Cette profonde gratitude pour votre corps vous rend puissant. C’est ce qui va vous permettre de vous transcender pour aller puiser dans des ressources insoupçonnées.
C’est vous qui décidez de vous sentir bien, de vous sentir beau ou belle et tout de suite. N’attendez pas de vivre une tragédie pour changer votre regard sur vous, sur votre vie. C’est à vous que revient l’immense honneur de voir la vraie beauté de votre corps. Se regarder, s’aimer, se prendre dans les bras mais que c’est bon !
Votre corps est bien plus qu’un véhicule, c’est votre maison, votre cocon et votre fidèle compagnon de route.